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L’image brouillée de la classe politique auprès des français : crise de régime ou crise de vertu ?

L’image brouillée de la classe politique auprès des français : crise de régime ou crise de vertu ?

La relation entre le citoyen français et sa classe politique n’a jamais été aussi distante. Cette relation est clairement dominée par une crise de défiance politique. Sans juger sur le fond l’efficacité de nos politiques, la forme ou du moins l’image qu’ils donnent au citoyen français explique en bonne partie la défiance de ce dernier.

Après l’affaire Cahuzac, on aurait pu espérer que la classe politique avait retenu sa leçon. Mais le sentiment d’impunité des « puissants » est toujours aussi vivace. Et nous vivons depuis une cascade d’affaires dont on pourra au moins retenir un aspect positif ; il devient difficile de passer « sous le radar » en totale impunité même si visiblement tous ne l’ont pas encore compris.

La « phobie administrative » du politique

C’est le cas encore récent de Thomas THEVENOUD, ex-secrétaire d’État au Commerce, qui a démissionné du gouvernement jeudi 4 septembre pour s’être soustrait au fisc. Durant son mandat de député, il s’était pourtant illustré par ses prises de position pour la « république exemplaire ». L’Histoire retiendra surtout sa « phobie administrative » pour seule explication.

EKNO - Image brouillée de la classe politique  

Tous les bords politiques sont concernés, ne laissant que peu d’espoir à l’électeur sur un parti plus propre qu’un autre. L’affaire BYGMALION bouleverse l’UMP même si certains comme Brice Hortefeux déclarent ne pas connaître « Pygmalion » (sic). La récente révélation selon laquelle une soixantaine de députés et sénateurs serait en délicatesse avec le fisc, ne vient pas rassurer l’opinion ; même s’il s’agit de bien faire le distinguo entre ce qui pourrait relever de la fraude ou plus légitimement d’une difficulté d’interprétation des règles fiscales françaises…

Nul (ou presque) n’est censé ignorer la Loi…

Gilles CARREZ serait dans cette deuxième catégorie concernant le redressement fiscal qu’il va subir pour l’ISF qu’il aurait dû régler depuis 2011 ; situation encore une fois perturbante lorsque l’on parle du Président de la Commission des Finances de l’Assemblée nationale, également rédacteur en 2007 de l’amendement sur l’abattement à l’ISF, qu’il n’aura donc pas respecté à la lettre.

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Du côté de Bercy, on explique que députés et sénateurs « sont des Français comme les autres (pour une fois..). Nombre d’entre eux minimisent leur patrimoine, par négligence ou par calcul ».

Exemplarité quand tu nous tiens…

Au delà des cas illicites où la Loi régit la situation, on peut aussi s’interroger sur des pratiques qui, bien que légales, altèrent l’image de la sphère politique. Comment le citoyen peut il (bien) lire le nombre de conjoints ou d’enfants d’hommes politiques, salariés des mêmes sphères que leurs illustres parents ? On pourrait aussi parler d’un Président de parti politique soupçonné de surfacturation au profit d’une société qui lui est proche, des écoutes clandestines de Patrick Buisson lors de ses réunions avec Nicolas Sarkozy, lui-même mis sur écoute par la justice sans que Christiane Taubira n’en soit informée … tout en admettant l’inverse dans la foulée. Bref, la liste est trop longue.

EKNO - Image brouillée de la classe politique 

La confiance ça se mérite…

L’objectif n’est pas ici d’alimenter sans nuance la rengaine du « tous pourris », mais plutôt de s’interroger sur l’impact auprès de l’opinion publique, d’une image de la classe politique quelque peu déconnectée de certaines réalités.
Dans leur immense majorité, les Français n’ont plus confiance ni dans la classe politique, ni dans les partis. Ils les estiment malhonnêtes. Ainsi, en janvier 2014, selon la vague 2 de l’enquête « Fractures françaises » d’Ipsos-Steria, 65% des Français jugent que la plupart des hommes et des femmes politiques sont corrompus. Le baromètre de la confiance politique publié par CEVIPOF* au début de l’année 2014 confirme cette tendance, révélant que seuls 11% des Français disent avoir confiance dans les partis politiques.

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Quand on leur demande ce qu’ils éprouvent quand ils pensent à la politique, 36% des Français répondent de la méfiance et 31% du dégoût.

Conséquence bien plus néfaste : 69% des personnes interrogées estiment que la démocratie en France ne fonctionne pas très bien ou pas bien du tout, contre 48% en 2009. Eléments à rapprocher par ailleurs d’une radicalisation assez franche des votes exprimés dans le pays.

Ne pas confondre crise de défiance et désintérêt

La distance plus que critique des français vis-à-vis de leur classe politique n’exclut pas pour autant la demande d’une autre politique, reste à voir laquelle. En effet, 57% des mêmes français interrogés en janvier déclaraient s’intéresser plus ou moins à la politique. Et 63% continuaient de penser que voter est le meilleur moyen d’exercer de l’influence sur les décisions politiques, plutôt que de manifester dans la rue (32%) ou de faire grève (23%). On aurait donc pu être optimiste pour le niveau de participation des élections municipales de mars 2014 mais c’est pourtant une abstention record qui a été constatée.

Jamais l’écart entre les Français et la classe politique n’avait atteint un tel niveau

Si l’affirmation « tous pourris » est clairement injuste, les acteurs politiques commettraient pour autant une erreur en ignorant les effets dévastateurs pour leur image, des agissements de certains d’entre eux. Des abus sont clairement démontrés et le phénomène est renforcé par une traditionnelle opacité du monde politique français ; une sorte de planète disposant de ses propres codes nourrissant encore mieux la distance et la réprobation du citoyen.

« Quand vraiment on a une confiance, on devient confiant. »

Jean-Claude Van Damme ; acteur (1960 – )

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Au-delà du constat assez navrant sur la relation entre le citoyen et la sphère politique, pouvons nous espérer demain une amélioration ? Quelles pistes exploiter pour mériter à nouveau l’adhésion du citoyen ?

On voit bien que ces questions « tracassent » actuellement la classe politique française en mal de légitimité. Mieux vaut tard que jamais.

Un débat agite aujourd’hui la classe politique sur la nécessité ou pas de changer le nom de plusieurs partis (PS, UMP, FN..). Ce type de changement, cosmétique, ne suffira pas à restaurer une confiance indispensable avec le citoyen.

Un autre débat, récurrent celui-là, serait de faire évoluer nos règles constitutionnelles, de sortir de la Vème République pour traiter une « crise de régime ». Mais avant d’être une crise de régime, la situation actuelle révèle une crise de défiance politique, une crise de représentation et une crise de responsabilité.

Crise de représentation

Un débat qui pourrait ou devrait agiter la classe politique française, a trait à la représentativité de nos élus. L’actuel déficit de confiance aurait pu être compensé par un effort de représentation, et ce n’est pas du tout le cas. Le Parlement français reste le mauvais élève européen en termes de représentation des femmes, des ouvriers et employés, des minorités visibles. Certains ont même proposé un stage en entreprise à nos députés étant donné que la très grande majorité d’entre eux n’a jamais de près ou de loin côtoyé le principal lieu de création de richesses et d’emplois, j’ai nommé l’entreprise. Pour rappel, sur 577 députés, 10 % seulement auraient eu une expérience significative en entreprise.

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Il est pour le moins difficile pour une démocratie dite représentative d’affronter des temps économiques douloureux alors que ses élus sont pointés du doigt pour leur impuissance, voire leur absence sur les vraies priorités publiques. Près de neuf Français sur dix (87%) considèrent que les responsables politiques se préoccupent peu ou pas du tout de ce que pensent les gens comme eux, selon la même étude du Cevipof*.

Crise de responsabilité

De nouvelles lois en faveur de la probité et de la transparence de la vie politique, qui viendront s’ajouter aux précédentes, ne répondront pas non plus à la situation, du moins totalement. Il suffit de voir déjà la longue liste des textes législatifs et réglementaires visant à régir les agissements de nos politiques, qu’il s’agisse de leurs mandats ou de leurs partis.

Il y a aussi sans doute un pacte de confiance à (re) construire entre les français et leurs politiques. Ce pacte passera forcément par une vertu affirmée et démontrée de la sphère politique. Montesquieu écrivait à juste titre que le principe des régimes démocratiques est la vertu ; principe qui soutient comme une colonne vertébrale tout régime soumis au vote. Est ce que la classe politique pourra faire preuve à l’avenir d’une image plus vertueuse ? Est-ce que ce type de changement majeur nécessitera la longue attente d’une nouvelle génération d’hommes politiques ?

Corollaire de ce pacte de confiance à bâtir, il appartient aussi à l’électeur de se manifester d’une manière ou d’une autre pour obtenir ladite vertu de sa classe politique. Car pour reprendre le même auteur, « Les peuples ont le gouvernement qu’ils méritent ».

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« Le mot de “vertu politique” est un non-sens. » – Napoléon Bonaparte ; Maximes et pensées (1769-1821)

« C’est une expérience éternelle que tout homme qui a du pouvoir est porté à en abuser. » – Montesquieu ; De l’esprit des lois

* Etude réalisée en décembre 2013 par OpinionWay auprès d’un échantillon de 1803 personnes, représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus et inscrite sur les listes électorales.